Accueil > Actions - Agenda > Echos des plaidoiries devant la Cour Constitutionnelle le 13 décembre (...)
Le 13 décembre avaient donc lieu les plaidoiries pour l’ensemble des recours en annulation introduits auprès de la Cour Constitutionnelle. (Voir le contenu des recours - Texte de janvier 2017).
Les quatre recours présentés ont été regroupés en un seul dossier parce qu’ils concernent la même loi. Cependant, même si tous revendiquent l’annulation de la loi, les angles juridiques choisis par chaque requérant sont différents et correspondent aux intérêts de chacun.
Les avocats des parties requérantes se sont succédés à la barre, suivis des avocats du Conseil des Ministres.
Maître Uyttendaele [1], a plaidé pour le recours introduit par les fédérations des services de santé mentale, planning familiaux et maisons médicales.
Sa plaidoirie a démontré d’une manière très claire à quel point cette loi était confuse, notamment en ce qui concerne les actes relevant de la psychologie clinique et ceux de la psychothérapie. Il a insisté sur le fait que les professionnels non LEPSS non autonomes ne savaient quels actes ils étaient autorisés à pratiquer, pour autant qu’il soit possible de les déterminer de façon précise. Il a invoqué également la discrimination entre les professions LEPSS et non LEPSS.
Ce à quoi l’avocat du Conseil des Ministres a répondu qu’en raison de la suspension puis de l’annulation de l’article 11 de la loi en mars 2017 [2], ces arguments ne pouvaient plus être invoqués, le moyen utilisé étant non fondé, le recours devait être rejeté. Ce qui, selon Maitre Letellier est en partie vrai, mais ce n’était pas le seul moyen invoqué dans ce recours.
Maitre Tulkens [3], plaidant lui pour la Plateforme des Professionnels de santé mentale et les Instituts de formation, a défendu la qualité de la formation des ces instituts, et dénoncé le fait que la loi réservait au universités et aux hautes écoles, la formation en psychothérapie.
Etonnamment il s’est limité à demander « une coupe chirurgicale » de la loi, concernant la formation en psychothérapie en demandant de supprimer dans le paragraphe suivant : « Pour pouvoir exercer la psychothérapie, le praticien, tel que visé au § 2, a suivi une formation spécifique en psychothérapie dans un établissement universitaire ou une haute école. La formation compte au minimum 70 crédits ECTS. » la mention « dans un établissement scolaire ou une haute école », afin de permettre aux Instituts de formations de poursuivre les formations initiales en psychothérapie.
Maître Bourtembourg [4], a été représenté par une collaboratrice, qui n’ayant eu connaissance du dossier que la veille, a tenté au mieux de défendre la psychothérapie comme une profession autonome en mentionnant notamment la récente classification de la psychothérapie par de l’ESCO [5] comme une profession autonome, non médicale.
Elle a également, dénoncé le manque de représentativité des psychothérapeutes au sein du Conseil Fédéral de la Santé Mentale.
Enfin Maitre Letellier [6], représentant Alter-Psy, a, tout comme lors du premier recours, brillamment défendu notre pensée, en trouvant les arguments juridiques justifiant la demande d’annulation de la loi.
Il a su, en se reposant sur l’histoire de la psychothérapie démontrer que celle-ci ne relève pas de l’approche bio-médicale et de l’art de guérir comme la Ministre l’a décrété, mais amplement du champ des sciences sociales et humaines. A partir de là, il a posé la question de la limitation de l’accès à la pratique de la psychothérapie aux médecins et psychologues cliniciens, défendant également, à l’instar de l’Union Européenne, la psychothérapie comme une profession autonome du champ des sciences sociales et non du champ de la santé.
Il a enfin mis en exergue les conséquences sociétales de cette loi, en indiquant que « .. la loi attaquée nous garantit un appauvrissement certain de la pensée et de la science en nous privant, à l’avenir, de l’apport déterminant de la philosophie, de l’anthropologie, de la sociologie, notamment, dans la compréhension de ce qui fait l’humain et donc l’apport, à l’avenir, de ce qui a permis le développement des psychothérapies reconnues et validées ». Les juges ont parus très attentifs à sa plaidoirie. (L’essentiel de la plaidoirie de Maître Letellier est accessible sur le site d’alter-psy, ici.)
Les avocats du Conseil des Ministres ont principalement repris les arguments exposés dans le mémoire de réponse qu’ils avaient adressé aux avocats des parties requérantes.
Détail piquant : Un des arguments invoqués par l’avocat du Conseil des Ministres a été : « Soit c’est de la science, soit, ce sont des conversations de comptoir ! »
Contrairement à l’audience précédente, la Cour a été restreinte de 12 à 7 juges, 4 néerlandophones et 3 francophones, le président étant un médecin néerlandophone…
Nous avons peut-être perdu l’un ou l’autre allié dans cette réduction du nombre de juges, mais impossible de dire si cela peut nous être vraiment préjudiciable.
Aucun des avocats ne s’est prononcé sur le résultat ….
Il n’y a donc plus qu’à attendre, réponse attendue dans un délai d’un à trois mois.
Publié le 16/12/2017
[1] Maître Uyttendaele est le représentant de La Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale (LBFSM), La Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF), La Fédération des Maisons Médicale (FMM), La Fédération des Institution pour Toxicomanes (Fédito), La Fédération Laïque des Centres de Planning Familial (FLCPF), L’Union Professionnelle des Conseillers Conjugaux et Familiaux (UPCCF), La Ligue Wallonne pour la Santé Mentale (LWSM), La Fédération des Centres de Planning et de Consultation (FCPC), toute personne travaillant en institution. www.lbfsm.be
[3] Maitre Tulkens représente la Plateforme des professionnels de la santé mentale groupement d’associations et de professionnels travaillant dans le domaine de la santé mentale
[4] Maître Bourtembourg représente l’APPPsy (Fédération nationale agréée des psychologues praticiens d’orientation psychanalytique) et l’UPpsy-BUPsy qui représente les psychologues des quatre secteurs : Clinique, Recherche et enseignement, Travail et organisation, Psychologie de l’éducation.
[5] ESCO (Classification européenne des aptitudes/compétences, certifications et professions) défini le métier de psychothérapeute comme ceci : « Psychotherapists are not required to have academic degrees in psychology or a medical qualification in psychiatry. It is an independent occupation from psychology, psychiatry, and counselling. » Voir la définition complète
[6] Maitre Letellier représente l’ASBL Alter-Psy - Lire le texte de sa plaidoirie