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Compte-rendu de l’audience du 7 décembre 2016

 

Le 7 décembre 2016, à 14h15, a eu lieu l’audience de plaidoiries de la demande de suspension, introduite par 148 requérants par l’intermédiaire de Maître Letellier, de la loi « Maggie De Block ».
Cette action a été en grande partie financée et coordonnée par le collectif Alter-Psy.

Après l’arrivée de la Cour, l’un des douze juges a exposé le dossier, avec les arguments des deux parties, de manière résumée et objective.

Maître Letellier a plaidé le premier.

Nous ne prétendons pas dans ce « compte rendu », reproduire de manière exacte ce qui a été présenté à la Cour, comme dans une transcription. Nous souhaitons plutôt vous donner une idée du déroulement de l’audience, en nous basant sur nos souvenirs et en le teintant de nos impressions.

Cependant, nous nous permettons ici de reprendre au mot près le début de la plaidoirie de Maître Letellier.

« Merci Monsieur le Président, Madame et Messieurs, une fois n’est pas coutume nous sommes presque entre nous cet après-midi. Nous sommes entre nous et alors je vais me livrer à des confidences. Monsieur le Président, Madame et Messieurs, je n’ai pas bien dormi. Chaque fois que j’ai rendez-vous avec vous c’est pareil : je ne dors pas bien. Vous allez me dire : « Si ce n’est que ça… » Il y a pire. Le pire c’est que ce matin, et c’est chaque fois pareil, je n’ai pas d’appétit. Vous allez me dire : « Ce n’est pas grave non plus. »

Sauf que les audiences sont traditionnellement fixées à 14 heures !
Je m’en suis confié à un ami récemment et, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je lui ai dit : « Peut-être que je devrais consulter ».

Alors, j’hésite. Ce n’est pas que je sois malade. Je ne pense pas souffrir d’un trouble mental. Je voudrais juste appréhender mes angoisses autrement. Et mon ami – figurez-vous – m’a recommandé un excellent dentiste. Il m’a dit : « Si tu as peur de la fraiseuse, je peux te recommander un bandagiste. Ou un prothésiste. Ils sont 100 % evidence-proved. Il paraîtrait même – me dit mon ami – qu’un technologue en imagerie médicale fait aussi des miracles. »
Quelques séances et je me présenterai à l’avenir devant vous décontracté.
Face à mon étonnement et à mon incrédulité, il me dit : « Ne t’inquiète pas. Il paraît que le technologue que je te recommande a un nouvel assistant. Son nouvel assistant s’appelle (nom et prénom). Il est (un des) requérant. »
Monsieur (nom et prénom) est un des fondateurs de la thérapie familiale, internationalement reconnu, il a formé des milliers de personnes à travers toute l’Europe et il serait devenu assistant, selon les termes de la loi, professionnel de support de mon technologue.

« Oui oui – me dit mon ami- tu peux aller en toute confiance, c’est un excellent technologue. Il a une formation de base en sciences médicales. La preuve c’est que sa profession est organisée par la loi relative aux soins de santé. Ce sont des L.E.P.S.S., mot qui désigne l’ensemble des titres donnant lieu aux soins de santé réglementés par la loi relative aux soins de santé.
« En plus – me dit mon ami – 100 % garanti anti charlatans, 100 % garanti ! Ils sont soumis, le dentiste le bandagiste, le prothésiste, le technologue, ils sont soumis, figure-toi, à l’autorité d’un conseil provincial. C’est dire comme tu peux aller en toute confiance »

Eh bien Monsieur le Président, Madame, Messieurs, ceci n’est pas vraiment une fiction. Ce n’est pas même une caricature. C’est l’objet de la loi attaquée.
Premier argument des articles 11 et 12 de la loi attaquée : la psychothérapie est définie comme un traitement de soins de santé. Le législateur rompt ainsi avec une tradition de plus de 60 ans d’histoire – je ne remonterai pas plus loin dans l’histoire de la psychanalyse- qui attache la psychothérapie et la psychanalyse aux sciences humaines, on rompt frontalement avec cette culture. En réalité, effectivement, nous n’avons pas développé les moyens contre cette approche, mais on peut s’interroger sur l’enjeu de la définition qui en réalité permet au législateur fédéral de s’approprier la matière. S’il avait défini la psychothérapie comme visant à aider les personnes, et pas comme un soin de santé, comme un traitement, en fait, il n’est pas évident qu’il aurait été entendu. En effet la matière de l’aide aux personnes relève des communautés (…). Cette définition est la clé d’accès au législateur fédéral pour organiser une profession. »

Cette introduction a permis de capter l’attention de la Cour et de rendre la problématique très accessible. De plus, une coloration « humaine » a teinté l’ambiance de la Cour.

En ce qui concerne le fond des arguments juridiques, déjà exposé à plusieurs reprises et que nous estimons convaincants et fondés, nous vous proposons la lecture d’autres documents (pour en avoir un aperçu : lien vers l’analyse juridique et lien vers la soirée questions-réponses)

Dans un deuxième temps, Maître Jacubowitz, l’avocat du Conseil des Ministres, a plaidé à son tour, suivi d’une consoeur.

Il a entamé son discours en défendant l’idée que l’approche Evidence Based est nécessaire, puisqu’il est notoire que Freud manipulait ses résultats pour servir ses intérêts… Cela donne le ton ! Il a exposé les éléments figurant dans la note du Cabinet des Ministres (voir pièce attachée en bas de page), que Maître Letellier venait par ailleurs de contre-attaquer. Il a été question de comparaison entre les patients et des voitures à réparer par un garagiste…

Maître Jacubowitz s’est par ailleurs étonné du fait que le terme « patient » soit utilisé, alors que nous prétendons nous éloigner de la logique médicale…

Il s’est appuyé également sur l’idée que nous serions d’accord avec la limitation de la pratique psychothérapeutique aux psychologues et orthopédagogues cliniciens, et aux médecins généralistes, sous prétexte que les requérants n’attaquent pas ce point de la loi… Dès lors, pourquoi serions-nous opposés aux mesures transitoires, si nous convenons de la nécessité de limiter notre pratique à certains diplômes ?

Le fil rouge de son argumentation résidait dans l’idée que le législateur n’est pas obligé de prévoir de mesures transitoires, que c’est mieux… que rien.

Autre motif avancé pour rejeter la demande de suspension : si le préjudice est grave et irrémédiable pour les requérants, pourquoi avoir attendu, l’avant veille de la limite prévue pour l’introduction de la demande ?

Il nous a semblé que pour utiliser de tels contre-arguments, les avocats du Cabinet des ministres, ne disposaient pas de beaucoup de matériel « de fond ».

Globalement nous avons eu l’impression que Me Jacubowitz et sa consoeur n’était pas particulièrement animés et convaincants et qu’il ne maîtrisaient pas la complexité des thématiques abordées.

Pour terminer l’audience, le Président de la Cour a demandé s’il y avait des questions. Ce n’était pas le cas. Il a conclu avec une boutade, son souhait que la décision finale ne participe pas à une querelle entre les différentes écoles. (Sic…)

La Cour s’est retirée.

Maître Letellier, sans pour autant pouvoir se prononcer sur l’issue, s’est dit satisfait du déroulement de la séance.

Il nous a informés que la décision finale serait probablement connue le 22 décembre, mais qu’autrement l’attente se prolongera jusqu’à l’après-fêtes, début 2017 donc. Il n’y aura pas d’audience, elle sera simplement publiée.

Maître Letellier nous communiquera la date dès qu’il sera prévenu, nous vous la transmettrons à notre tour.

Si la suspension a lieu, elle constituera un signe plutôt favorable pour l’annulation.

Nous tenons à rappeler que le regard sur l’audience que nous vous proposons est un regard subjectif et ne préjuge en rien l’issue de ce premier « round ». Nous en sortons cependant emplis d’espoir. Croisons les doigts…

Ci-dessous, les textes complets des arguments du conseil des Ministres et ceux de Me V. Letellier.

Mémoire du conseil des ministres en vue de l’audience de plaidoiries du 7 décembre.
Recours tel qu’introduit par Me Letellier à la Cour constitutionnelle. PDF2

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Publié le 09/12/2016