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Soirée questions/réponses avec Maître Vincent Letellier

 

Soirée questions/réponses avec Maître Vincent Letellier organisée par Alter-Psy le 20 octobre 2016 à 20h00

Cher(e)s collègues,

Depuis 40 jours maintenant, la loi du 10 juillet 2016 relative au statut de la psychothérapie est entrée en vigueur.

Notre collectif Alter-Psy, fidèle à ses engagements, a souhaité permettre à celles et ceux qui le souhaitent de participer au recours en annulation (et suspension) des mesures transitoires de la loi auprès de la Cour constitutionnelle, et ce en introduisant auprès de Maître Vincent Letellier un dossier individuel.

Au-delà de cette démarche, de nombreuses questions subsistent. Afin de tenter d’y voir plus clair, nous avons le plaisir de vous inviter à la soirée d’information que nous organisons le jeudi 20 octobre prochain. Me Letellier sera présent pour alimenter nos échanges.

Les objectifs de cette soirée sont, plus spécifiquement, de permettre à chacun(e) de bénéficier d’un éclairage d’expert sur deux points :
- le recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle sur les mesures transitoires (en cours) (Voir le détail de l’action).
- les opportunités d’un éventuel recours sur le fond (c-à-d la définition-même de notre métier).

Au plaisir de vous rencontrer dans la vraie vie ;-)

La coordination Alter-Psy
Chiara Aquino, Fabian Battistoni, Benoît Dumont, Bernard Mathieu, Françoise Raoult, Anouck Renson.


Compte-rendu de la soirée

2ème Soirée Alter-Psy – Rencontre avec Me Letellier

Jeudi 20 octobre, Mundo-B, 20h…
Nous sommes environ 40 membres sympathisants ou cotisants d’Alter-Psy à avoir fait le déplacement pour rencontrer Me Vincent LETELLIER, avocat constitutionnaliste, pour échanger avec lui sur les pistes de contestation, au plan juridique, de la Loi relative au statut de la psychothérapie.

Alter-Psy, en deux axes et quelques mots

Benoît rappelle à l’assemblée les conditions d’émergence du collectif Alter-Psy et présente les deux axes du projet :

  • un axe « métier », qui vise à réfléchir, soutenir, organiser, défendre, fédérer les métiers de la psychothérapie et de la relation d’aide, au-delà de l’ensemble des courants qui les constituent ;
  • un axe « politique et citoyenneté » par lequel, à partir de nos pratiques, nous pouvons poser un regard et une parole critiques visant l’affirmation de nos valeurs pour une société plus humaine.

1ère partie : le recours en annulation avec demande de suspension à la Cour constitutionnelle

Me Letellier présente à l’assemblée la teneur des moyens qu’il a développés en vue de l’introduction, pour le 29 octobre au plus tard, des recours individuels à la Cour constitutionnelle.

Motif du recours en annulation :
Selon lui, la loi viole plusieurs dispositions constitutionnelles, elles-mêmes interprétées habituellement par la Cour à la lumière de la Convention européenne des Droits de l’Homme :

  • Le principe de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution), du fait de la distinction établie entre les praticiens disposant d’un titre visé par la Loi relative à l’exercice des soins de santé (LEPSS : médecin, kinésithérapeute, infirmier, podologue, bandagiste, audiologue, etc.) et les praticiens qui ne disposent pas d’un titre LEPSS (ex : philosophe, éducateur, assistant social, etc.)
  • le droit au respect des biens (article 16 de la Constitution), en ce compris le droit au respect des créances et de la valeur patrimoniale des liens de clientèle
  • le droit au respect de la vie privée (article 22 de la Constitution), qui porte notamment sur le droit aux relations interpersonnelles qui se lient dans le cadre de l’exercice d’une profession
  • le droit au libre choix d’une profession (article 23 de la Constitution).

Selon son analyse, bien que le législateur ait l’opportunité de modéliser les conditions d’exercice de la psychothérapie à des fins d’intérêt publique, les modalités de ces conditions doivent demeurer proportionnées au regard de l’objectif fixé et du respect des droits fondamentaux, ce qui ne semble pas le cas.

Motif de la demande de suspension :

La demande de suspension correspond à une procédure d’urgence qui vise à demander à la Cour, dans l’attente qu’il soit statué sur le recours en annulation, de suspendre l’application de la loi. Pour accéder à cette demande, la Cour doit examiner si :

  1. il existe des moyens sérieux d’inconstitutionnalité (cf. ci-dessus)
  2. la mise en œuvre de la loi cause un préjudice grave et difficilement réparable, ce qui est le cas du fait que la loi interdit certaines personnes de poursuivre l’exercice de leur pratique.

Selon Me Letellier, la Cour est « avare de suspension ». A sa connaissance, elle n’a été saisie de ce type de demande qu’à 20 reprises, et n’y a accédé qu’à 10 reprises. Néanmoins, les statistiques lui laissent penser qu’il y a une chance sur 2 que la Cour accède à cette demande et qu’il faut la saisir.

Etat des lieux du nombre de requérants :
Me Letellier informe qu’à cette heure, plus de 100 personnes lui ont adressé un dossier individuel, dont 30% de professionnels flamands, ce qui plaide en défaveur d’un problème communautaire.
Selon lui, si un seul requérant est suffisant pour justifier l’introduction d’un recours, le nombre de dossiers individuels dont il est saisi, selon ses termes, est « susceptible d’émouvoir la Cour ». Cela justifie, à ses yeux, l’intérêt d’une démarche de mobilisation de collègues non encore informés de cette opportunité et d’un report de la date limite pour l’introduction des dossiers à ce lundi 24/10.

2ème partie : les opportunités d’un éventuel recours sur le fond

La loi du 10 juillet 2016 vise avant tout à poser un nouveau cadre pour l’avenir autour de la psychothérapie. Il est de la responsabilité du législateur de saisir telle ou telle opportunité politique. En l’occurrence, le choix de Maggie De Block était clair : faire de la psychothérapie non plus un métier mais une pratique de soins de santé « evidence-based » réservée à des professionnels autorisés.
Or, pour Alter-Psy, une conviction forte existe que cette définition de la psychothérapie n’est pas bonne pour plusieurs raisons :

  • elle gomme la richesse de la diversité des courants de psychothérapie qui co-existent aujourd’hui au profit d’une approche techno-scientifique standardisée, dans laquelle la relation humaine passe totalement à l’arrière-plan
  • elle n’ouvre la perspective à des remboursements par la sécu qu’à la condition de faire entrer les pratiques (et les clients/patients) dans des trajets de soins étriqués.

Alter-Psy, par conviction politique et citoyenne, souhaite qu’il existe pour l’avenir une autre vision de la psychothérapie, ancrée dans le champ des sciences humaines.

Me Letellier évoque, à cette fin, la possibilité d’introduire un deuxième recours en annulation et d’utiliser le droit comme un outil permettant de démontrer l’inconstitutionnalité du choix d’opportunité politique opéré par le législateur à travers cette loi. Deux pistes sont à explorer :

  • celle de la violation du principe de non-discrimination :
    Selon ce principe, deux pratiques différentes ne peuvent être traitées comme si elles étaient identiques. Or, l’existence séculaire de la psychothérapie amène à considérer cette pratique comme relevant de la santé mentale mais aussi des sciences humaines. Par conséquent, réglementer cette pratique dans le cadre exclusif des soins de santé peut constituer un motif de discrimination pour des praticiens qui ne s’y retrouvent pas.
  • celle de la violation du principe de liberté d’enseignement  :
    Selon ce principe, quiconque le souhaite doit pouvoir ouvrir une école, en déterminer le projet philosophique ainsi que les méthodes pédagogiques. C’est ainsi que, depuis de nombreuses années, plusieurs instituts ou écoles de psychothérapie ont vu le jour. Or, la loi du 10 juillet 2016 précise que désormais, quiconque souhaiterait se former à la psychothérapie devrait le faire en Haute école ou à l’Université. Dès lors que cette disposition porte préjudice à l’existence des écoles et courants thérapeutiques qui existent en dehors de l’Enseignement, elle pourrait porter atteinte à la liberté d’enseignement.
 Ces pistes sont à consolider en vue d’un deuxième recours en annulation, lequel devrait être introduit pour le 29 janvier 2017 (soit endéans les 6 mois de la publication de la loi du 10 juillet 2016 au Moniteur).
Il s’agit de la prochaine action qu’Alter-Psy initie et portera en coordination avec les associations qui souhaiteront rejoindre cette perspective.
2e soirée Alter-Psy - Compte-rendu PDF

Publié le 11/10/2016